Variations équestres…
Nombreuses sont les personnes qui, lors de vacances estivales, souhaitent monter à cheval pour la première fois. Histoire d’avoir le souvenir d’une belle balade en bord de mer sous un bleu azuré et ensoleillé. C’est pourquoi tout le monde se dirige vers le premier centre équestre où les palefreniers locaux vous jureront, sourire aux lèvres, que ce bon gros cheval est le plus doux et sûr du haras. Et vous passerez vite du pas au trot, puis au petit galop pour que vous puissiez passer un bon moment. Mais prenez garde au souvenir qui vous est réservé : celui de l’équidé si heureux de sa sortie qu’il souhaitera prendre, avec vous, un bain bien tiède ou bien boueux !
Hippocampe "géant" - Lembeh - Sulawesi - Indonésie
Je n’étais pas contre les bains de boue dans un centre de thalassothérapie mais ce que je préférais par-dessus tout, dans un centre équestre, était les galops effrénés. Car pour dire le vrai, chaque contrée exotique ou lointaine connaît son propre dressage, fort différent de la monte européenne : avec les rennes nouées à la mexicaine, avec la nonchalance turque, avec l’inversion des commandes canadiennes, avec le pur sang/pur mou égyptien, avec le chant tunisien … contre une bonne vieille bombe française.
A force de monte et ayant envie de changer de vie, je souhaitais une réorientation professionnelle plus dans mes cordes. Et c’est comme ça que je fus embauché comme cavalier du cirque de la piste aux étoiles. Toutes les représentations débutaient de la même manière, de façon moins austère, moins Auguste que les autres cirques. Notre clown Mandarin passait subrepticement entre chaque numéro pour annoncer, haut en couleur, le suivant.
Poisson Mandarin - Bunaken - Sulawesi - Indonésie - Photo de nuit (dans la bousculade)
Quant à moi, je terminais chaque soir le spectacle. Je montais un jeune Alezan portugais à la robe pie-noir léopard. Le chapiteau était illuminé d’un bleu profond et le décor représentait une multitude de gorgones blanches au milieu desquelles nous évoluions, complice, pour un exercice de dressage artistique. C’était une sorte de Pas de Deux sans autre couple tant nous éblouissions les yeux ébahis qui restaient figés sur nous.
Hippocampe pygmé - Bunaken - Sulawesi - Indonésie
Mon passage se terminait toujours par une superbe révérence à destination du public émerveillé. Il faut dire que les connaisseurs applaudissaient sans mesure à l’aune de cette prouesse : pas de selle, pas d’étrier, pas de filet, pas de mors, pas de guêtre et encore moins de martingale. Rien que la pureté naturelle d’un duo sur canapé.
Hippocampe pygmé - Bunaken - Sulawesi - Indonésie
Je menais cette vie simple et colorée jusqu’au jour où je fis une rencontre. J’étais bouleversé par ce que je voyais, mon sang bouillonnait d’impatience devant cette jument à la robe pie-alezan qui me faisait les yeux doux. Je n’avais plus qu’une idée en tête : l’acquérir, même à prix d’or, pour prendre ma pré retraite dans des paysages écossais.
Hippocampe pygmé - Lembeh - Sulawesi - Indonésie
Je coulais des jours heureux sous cette douce verdure accompagné, chaque jour, de ma nouvelle acquisition. Nous mêlions balades, repos devant le soleil couchant, les moments de douches écossaises … Et chaque jour elle me remerciait de ces instants par ses regards timidement complices et aguicheurs dans le même temps.
Hippocampe pygmé - Lembeh - Sulawesi - Indonésie
Puis un beau jour, je ne sais pour quelle raison, elle décida de se montrer sous un autre regard, plus sûre d’elle, plus conquérante, plus bravache. Elle alla jusqu’à une élégante ruade dantesque, mêlée d’un hennissement profond qui me désarçonna … pour toujours.
Vraiment pour toujours ...
Tout foutait le camp. Je n’avais eu le droit qu’aux moqueries de ma myopie …
Commentaires : Vous l’avez deviné, il m’aura fallu consulter un peu pour me remémorer quelques éléments de verbes équestres. Mais s’il y a une chose que j’aime avant tout, ce sont bien les galops effrénés sur les plages et dunes. Et vous l’aurez compris aussi, je n’ai pas eu de chance avec les hippocampes pygmées, soit parce qu’il m’aurait fallu chausser des lunettes au lieu de palme (cf. ci-dessous), soit parce qu’il m’aurait fallu 20 kilos de matériel, comme un caisson à viseur macroscopique et une belle ceinture de plomb, un jour du type métro bondé de chasseurs d’image sous les flux et reflux violents.
(un piètre exemple de photo sans retraitement).